Comme inspiré par un art d’accommoder les souvenirs, Jose Ferrer tire de photos d’enfance ou de lieux qu’il habita jadis une trame qu’il tisse en y entremêlant objets nés de rencontres de hasard et silhouettes du présent. Sur cette toile ainsi tissée, il rêve sa mémoire…
José Ferrer est né à Valence.
Après y avoir étudié la philosophie, il a suivi des cours de photographie à Bologne puis à Las Palma. Il vit et travaille aujourd’hui à Bruxelles.
Il a précédemment exposé en Belgique et en Espagne
Petite histoire d’une photo…
Lundi dernier je suis allé aux Puces. J’ai pris quelques photos au hasard de ce qui retenait mon attention: un petit cheval en bois, les arbres et le ciel sur un tableau en canevas délavé, une chaise, une malle dont le cuir abîmé faisait naître d’étranges motifs ….
Mardi il pleuvait. Et, qui sait, peut-être que je cherchais un peu de lumière : je me suis mis à regarder des photos anciennes, des photos que j’ai prises autrefois en Sardaigne, de ces photos un peu banales qu’on prend à la volée pour se souvenir d’un moment, d’un lieu, d’un geste, d’un sourire, d’une lumière.
Regardant ainsi distraitement la photo d’une plage, se superposant aux formes des rochers, le souvenir de la texture du cuir de la malle photographiée le jour précédent a resurgi soudain, inopinément .
J’ai pensé aussitôt que le petit cheval en bois de la veille pourrait trouver plaisir à s’ébattre sur cette plage un peu morne et vide qu’il égaierait…
Plus tard j’ai fermé les yeux et, dans mon souvenir, le ciel de ce jour de mai en Sardaigne et celui du tableau en canevas des Puces se confondaient, faisant reculer très loin celui gris de ce jour de pluie présent.
Ainsi plus tard, comme dans un puzzle, je me suis mis à découper des objets et des personnages, à choisir des scènes parmi mes voyages et mes promenades et j’ai construit une sorte de mémoire inventée.
J’ai depuis souvent pratiqué cette « plongée dans les images » de mes vies d’autrefois pour en ramener, du fond de l’eau profonde des souvenirs, ces tableaux d’une mémoire rêvée.
Jose Ferrer